Accessoires, mais indispensables (extrait) in ESSE art + opinions n°71. p.48

"(...). Mais, face à la prolifération des productions amateurs, il reste une fonction opérante de I'art qui consiste à dénaturer. Ainsi en est-il d'une série de photographies intitulée Ma soeur, mes cousines et leurs amies exposée pour la première fois en 2007 par Clôde Coulpier au centre d'art Oui à Grenoble, en France. Ce sont de banales photographies prises par de jeunes adolescentes en train de s'exhiber devant leurs amies : des pitreries entre filles qui jusqu'ici se trouvaient dans leurs petits carnets personnels, dans leurs boîtes à secrets ou sur les murs de leurs chambres. Ayant trouvé ces photos sur un site pour adultes, Coulpier avance l'hypothèse que ces images proviennent de blogues personnels et qu'elles ont été détournées, piratées par l'industrie du porno. Plausible, mais invérifiable. En intitulant cette série Ma soeur, mes cousines et leurs amies, l'artiste souhaite exprimer la manière dont le réseau concourt à une sorte de perte de signal : "Avec lnternet quand on consulte des photographies, ça commence par celles de la famille, après celles des amis, après celles des amis de mes amis, et d'autres encore, jusqu'à des personnes que l'on ne connaît pas. Les images circulent, voyagent, elles sont récupérées, mais on ne sait plus d'où elles viennent et qui est qui." Une fois collectées et sélectionnées, ces images sont développées dans un magasin de rabais en format 10 x 15, puis elles sont redistribuées aléatoirement dans l'espace d'exposition, fixées au mur à l'aide d'autocollants à paillettes ou représentant des personnages de dessins animés populaires. Étrangement paradoxale, la fonction de dénaturation de I'art consiste alors à replacer artificiellement ces images déracinées dans leur écosystème naturel - l'espace mural - et à leur réattribuer leur fonction décorative.

A faible intensité technologique, l'opération plastique de Clôde Coulpier apparaît presque contre-productive par rapport au contexte de la collecte et de l'inventaire qui sont aujourd'hui le socle sensible de nos manières d'être, de penser, d'agir et de créer. Pourtant, elle révèle comment, face à l'incommensurabilité du contenu du réseau, aux pratiques prolixes des amateurs, nous nous accommodons très bien de la technologie; comment nous arrivons presque ontologiquement à l'intégrer dans notre vie affective; comment de manières naïve et crédule nous lui conférons le pouvoir de veiller sur nous, c'est-à-dire d'enregistrer ce que nous sommes, ce que nous avons été, ce que nous n'avons jamais été pour nous-mêmes, mais pour le regard des autres ... (...)."

Nicolas Thély

 

 

Accessories, Yet Indispensable (extract) in ESSE art + opinions n°71. p.47-48

"(...).But, faced with the proliferation of amateur productions, there remains an operative function of art that consists of distorting. This applies to a series of photographs titled Ma soeur, mes cousines et leurs amies (My Sister, My Cousins and Their Friends) exhibited for the first time in 2007 by Clôde Coulpier at the Centre d'art Oui in Grenoble, (France). These are ordinary photographs taken by young teenage girls showing themselves in front of their friends: images of girls clowning around, wich up until now had their place in diaries, secret boxes or on the walls of their rooms. Having found these images on an adult site, Coulpier puts forth the hypothesis that they came from personal blogs and that they were diverted and pirated by the porn industry. Plausible, though unverifiable. In calling this series Ma soeur, mes cousines et leurs amies the artist seeks to express the manner in which the network contributes to a sort of disorientation: "With the web when you look at photographs you begin with family pictures, then those of friends, folldwed by those of friends of friends
and still others, up to pictures of people you don't know at all. The images circulate, travel and are recuperated, but one no longer knows where they come from and who is ho." Once they are collected and selected, these images are developed at a discount store in 4 x 6 format and are then randomly redistributed in the exhibition space, mounted on the wall using stickers depicting cartoon characters. Strangely paradoxical, the distortion function of art thus consists of artificially replacing these uprooted images in their natural ecosystem -wall space- and of reinscribing them with a decorative function.

Coulpier's low-tech visual operation appears almost counterproductive in relation to the context of collecting and inventorying which
today are the sensible foundation of our ways of being, thinking, behaving and creating. Nevertheless, the work shows how, in the face of the network's incommensurable content and profuse amateur practices, we seem to have no trouble coming to terms with technology; how we almost ontologically manage to integrate it into our emotional life; how in a naïve and credulous way we entrust it to look after us, i.e., to record who we are, what we have been, what we have been for the gaze of others but never for ourselves ....(...)."

Nicolas Thély