Area - Exposition du 04 juillet au 12 aoüt 2012 - Musée Château - Annecy


Communiqué de presse :

Depuis quelques années Clôde Coulpier produit des expositions dans lesquels les oeuvres proposées sont comme des mailles formant un filet. Elles ont bien sûr de l’importance ces œuvres, sans elles il n’y aurait pas d’exposition, mais comme dans la structure d’un filet, est essentiel le fait qu’il y ait de l’espace entre les fils, le fait qu’il y ait du vide, du rien, de l’air.
Quand il dessine (pour les séries Coming Soon, The Holes, Les armures...), son trait ne cesse de pointer le manque et le creux : il fait des boucles, des trous, des mailles et il entoure les zones vacantes pour que tout y soit aspiré, comme un tourbillon se saisit de l’air, comme un trou noir fige la matière qui l’approche.
Quand il réalise des Images respirantes, images à peine animées, on distingue dans un ensemble qui semble
gelé une guirlande qui se balance, un doigt qui caresse un téléphone, un thorax qui se soulève... Et c’est l’air entre les objets qui semble doucement nous faire signe.
Quand pour les Interruptions il passe des heures et des jours, précautionneusement, à remplir des feuilles vert fluo au rotring noir, ligne par ligne, comme un traceur comblerait une affichette de ses pigments, il laisse soudain éclater la couleur sur une ligne laissée vierge – et c’est encore l’endroit pur, non touché, le vide qui surgit.
Enfin, quand dans une exposition il demande qu’une fenêtre reste ouverte, disposant plus loin un « destructeur d’insectes » au néon bleu (Suicidal Tendencies) il nous donne cet indice : l’air qui circule dans les salles fait partie de l’exposition, et le vent qui porte les moucherons, moustiques et autres diptères, doit également retenir notre attention. Alors, lorsqu’un claquement soudain tend l’espace (une mouche a été attrapée par le piège et détruite), cela fait l’effet d’un coup de trique : il claque sur les doigts de celui qui n’aurait toujours pas compris.
Dans les expositions de Clôde Coulpier donc, il faut comme dans toute exposition se rendre disponible aux œuvres, images qui dessinent des signes devant les yeux, objets qui bloquent ou organisent la circulation des corps – mais il faut également se rendre disponible aux espaces, aux volumes et aux surfaces qui sont délimités pour l’occasion : à chaque fois, le spectateur est entouré d’un filet.

Tout cela peut paraître un brin hostile : filets, trous noirs, destructeur d’insectes, pièges... Et il est vrai que ce que manipule Clôde Coulpier n’est pas sans menace. Mais il ne faut pas pour autant imaginer que l’exposition à Annecy sera une « zone » (traduction du titre « area » en Français) dans l’acception spectaculaire et terrifiante du terme. Ici rien du territoire menaçant qu’arpentent les personnages du film Stalker de Tarkovski, rien de la jungle sauvage ou du temple maudit. La zone dont il est question n’est que celle, objective,
du Musée-Château : deux vastes espaces aux murs épais et chargés d’histoire ; deux sols et deux plafonds de bois bruns, très éloignés les uns des autres. La « zone » est le lieu tel qu’il est, subitement rendu lisible et tendu par la présence des œuvres – comme si elles mettaient en place un grillage, un maillage ou un filet, nécessaire pour en faire l’expérience. Comme si aller d’une œuvre à l’autre, de Particule à L’idiot du village, de Dry Idea à Par la pensée, puis des Interruptions à Almost, par exemple, nous faisait tendre mentalement
dans l’espace un réseau très physique. Et comme si les œuvres, s’agençant peu à peu, se liant l’une à l’autre dans lazone,fonctionnaient comme une mise au carreau de l’espace.
Fixé au plafond, brassant l’air perforé par deux trous de lumière, un grand ventilateur mélange le gaz que nous respirons. Dans cette « Area », il y a de l’air qui circule dans notre filet.

Stéphane Sauzedde