Clôde Coulpier, Interviewé par Pascale Riou – Juillet 2014 in SIDE EFFECTS. éditions AAA / ESAAA éditions p.74-p.76

PR : Tu lis un livre d'Itsuo Tsuda sur l’École de la respiration, intitulé Le non-faire ; peux-tu m'en dire plus sur ton rapport au non-faire, à la paresse ?

CC : J'essaie en règle générale, en ce qui concerne mon travail, d'en faire le moins possible. Parce qu'il me semble que c'est comme ça que j'arrive à être le plus juste et le plus précis. J'aime mon travail quand il est issu de peu de manipulations. J'aime faire apparaître plutôt que fabriquer. Le non-faire est pour moi une disposition plutôt qu'une non-action, cela implique un choix. Paradoxalement, je serais même tenté de considérer le non-faire comme étant une stratégie du faire, qui irai de pair avec l'intuition et le laisser advenir. C'est un peu comme poser des pièges. Laisser agir. Les relever. Parfois ils sont vides. C'est ainsi. Le non-faire peut donc produire du vide, de l'espace, ce qui est pratique pour voir et penser les choses. Même celles qui n'existent pas.
Je ne me vois pas comme étant paresseux, mais je peux concevoir que je puisse paraître comme tel, parce que je produis et montre peu. Je ne crois pas à la « valeur travail » en terme de « morale productiviste ». Je ne suis rentable ni culturellement, ni économiquement. Ce qui effectivement peut me définir, malgré moi, comme paresseux. Mais quand je décide de rien faire parce que je n'ai envie de rien faire, c'est du savoir-vivre. Pas de la paresse.


PR : Dans Side Effects, nous avons montré deux photographies issues d'une même série, Là où l'on décide de s'arrêter ; peux-tu revenir sur ce travail.

CC : Là où l'on décide de s'arrêter est une série de captures d'écran de vidéos prises dans des cadres familiaux ou amicaux par mes proches ou moi-même. La capture d'écran est celle de la dernière image de la vidéo. À l'origine, à travers ce travail, je me posais la question de ce qui nous pousse à faire le choix d'arrêter. Que ce soit une relation, une action, un moment... Ensuite je suis revenu sur les images à proprement parler. J'aimais l'idée de faire exister une image dont on ne voulait pas, inutile, en trop ; issue du temps de réaction entre le moment où l'on décide d'arrêter l'enregistrement et le moment où l'on appuie sur le bouton. Une image qui serait un « entre ». Entre ce que l'on veut garder et ce qu'on laisse aller. Cette image est un marqueur qui fait exister de manière égale les deux. Ce qui rend peut être finalement vaine la décision d' « arrêter ».

 

PR : On a beaucoup parlé d'écosystème ad hoc, d'économie du faire avec ; quel est ton rapport à ces notion ?

CC : Autour de ces notions, d'autres gravitent telles que l'autonomie et la fluidité. Elles permettent ce que Marie Jenlain appelle les « libertés opérantes », qui elles-mêmes produisent des outils sensibles et qui eux-mêmes font apparaître un écosystème dans lequel évolue un désir particulier. En cela on peut dire que toute pratique artistique est ad hoc. Ceci permet de pouvoir inventer des façons de faire. « L'économie du faire avec » peut être soit permissive soit frustrante, tout dépend si elle fait partie d'une sensibilité ou si elle est subie à cause d'un manque de moyens. En ce qui me concerne, « l'économie du faire avec », a été la base de ma pratique, comme beaucoup de monde je pense. Mais elle n'est pas pour autant un dogme ou un acte militant, car il me semble que le « désir de faire » ne doit pas la subir. Il ne s'agit pas de faire plus avec moins, de faire moins avec plus... mais de faire ce que l'on aime comme on l'aime, dans les meilleurs conditions possibles. Conditions qu'il nous est possible d'inventer.

 

 

Clôde Coulpier, interviewed by Pascale Riou – July 2014 in SIDE EFFECTS. éditions AAA / ESAAA éditions p.74-p.76

PR : You are reading a book by Itsuo Tsuda on the School of Breathing, entitled « The Not Doing ». Could you tell us more about your connection to not doing and laziness ?

CC : I usually try to do as little as possible when it come to my work. I feel that this way I manage to be the most precise and accurate. I prefer to have little practcal work behind my pieces. I like rather pointing out things instead of producing them. The not doing is more like a mindset, not a non-activity ; it implies a choice. Paradoxically, I am even tempted to consider the not doing as a strategy of doing, which can be paired with intuition and letting things happen. It reminds me of placing traps ; to let them work on their own, and then go to pick them up. Sometimes they are empty. That'a a part of the game. Not doing can produce vacuum, emptiness, wich can be useful while contemplating or thinking about some issues. Even about some issues or things that do not exist.
I don't see myself as a lazy person, but I can understand that I may be percieved as such because I create and exhibit rarely. I don't believe in the « value of work » in terms of a « productionist mentality ». My aims is not to profit culturally or financially. It can make me look lazy, event I don't think like that myself. When I decide to do nothing because I don't feel like doing anything, then it's a way of living, not laziness.


PR : In the « Side Effects » exhibitions you had two photographs from the series « Là où on décide de s'arrêter ». Could you talk a bit about this piece ?

CC : « Là où on décide de s'arrêter » is a series of screenshots from videos made of friends and family by meor those close to me. The screenshots are taken from the last frame of the video. The first idea of this piece was to ask what it is that make us stop. If it's an interaction, activity, moment... Then I started studying themselves. I liked the idea of showing an image that had been rejected, that was useless, a throwaway:created during the reaction time between the moment of deciding to stop filming and the moment of pushing the button. An image in between, between the one you want to capture and the one you let slip away. This image is a marking point that embraces equally those two images. One might also think it makes the decision to « stop » useless.


PR : There has been a lot of talk about the ad hoc ecosystem, the economy of getting by. What is your opinion about these concepts ?

CC : These concepts go hand in hand with some others, like autonomy and flow. They allow for « operating liberties », as Marie Jenlain calls them ; they produce subtle tools and help manifest an ecosystem where a particular desire can develop. In this sense, we can say that all artistic pratice is ad hoc. It allows for the invention of different way of doing. « The economy of getting by » might open new possibilities or it be also frustrating, depending on whether it is based on sensivity or due to a lack of ressources. In my case, « the economy of getting by », or « the economy of bare essentials » as I prefer to call it, was the basis of my practice, as I imagine it has been for many others. However, it's not a dogma or a radical act, because I feel that the « desire to creat » shouldn't suffer from it. It's not about doing more with less, or less with more.... it's about doing what you like in a way you like, in the best possible conditions, conditions that we can invent oursleves.